Tout est bien. Adieu.
Dieu en a décidé ainsi. Jean d'ORMESSON, L'Immortel, ne jouera plus avec la vie, sa vie. Ce Prince des lettres, cet écrivain du bonheur, qui faisait tout pour que la vie soit belle, en a bien profité, jusqu'au bout, de ses 92 ans.
A la fin de son livre "C'était bien", il donnait le "mode d'emploi" à ses lecteurs : "Vous glissez le livre dans votre poche. De temps en temps, vous le feuilletez. Et puis, vous l'oubliez. L'argent, le roller, le dentiste, la télé, vous avez autre chose à faire qu'à penser à moi, au temps, à l'éternité - et à Dieu. Existe-t-il seulement, ce Dieu de notre enfance et de nos espérances ? Je ne sais pas. Mais rien d'autre n'existe."
Un jour, par hasard, j'ai déniché ce livre pour deux euros, et depuis je le feuillette régulièrement et j'y puise force et liberté de penser.
Cet homme élégant -à l'extérieur comme à l'intérieur- aux yeux bleus pétillant de malice et à la plume féroce, m'a toujours émue.
En 2003, il écrivait : "Personne, après moi, n'écrira plus comme j'écris. Je ne veux pas dire par là que j'écris mieux que les autres. Je vous dire que je suis le dernier à écrire comme jécris. Je suis un laissé-pour-compte, je suis une fin de série. J'écris comme au siècle dernier, comme au siècle d'avant et comme aux deux siècles avant le siècle d'avant. J'écris, oui, je sais, en moins bien, comme La Bruyère, comme Fontenelle, comme Vauvenargues ou Mérimée, comme Jules Romains ou Morand.Je suis, depuis longtemps, le dernier d'une lignée qui s'achève. Les autres, après moi, écriront autrement. Je le leur conseille, en tout cas... Et il finit ainsi ce chapitre, le dernier de ce livre, par ces mots : "Voilà maintenant que le temps me presse. Vite, vite. Assez lambiné. La fin est à mes trousses. Elle me tire par la manche. Il faut l'aimer, elle aussi. Tout est bien. Adieu. Adieu."
Dieu lui a accordé 14 années supplémentaires pour savouver "l'enchantement d'être vivant". Désormais, d'en haut, il pourra s'amuser de tout et doit déjà se réjouir de tous ces hommages qu'on lui fait.
ADIEU Monsieur d'ORMESSON