Pierre Ducrozet

"Moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment,
je ramasse du bec une belle phrase et je la suce comme un bonbon,
je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu'à ce que l'idée se dissolve en moi comme l'alcool."
Bohumil Hrabal - "Une trop bruyante solitude"

Intriguée par l'annonce d'une "Lecture musicale" à la Fête du Livre de Bron, je m'y suis rendue et je ne le regrette pas. Un vrai coup de coeur. J'ai siroté ce moment fort et sucré, et me suis laissée charmer !

Photo du Net cueillie chez Babélio

Et pourtant, Pierre Ducrozet, "Eroica", Jean-Michel Basquiat, franchement, rien de tout ça ne me parlait. Mais ça c'était avant !

Toujours sous le chapiteau du Magic Mirror, mais cette fois mieux installée sur une chaise en velours rouge, j'ai écouté et regardé, fascinée, le beau jeune homme qui aurait pu être un vrai comédien déclamant un texte.

Pendant une heure (trop courte) Pierre Ducrozet (né en 1982) a lu -ou plutôt récité, il connaissait ces nombreuses pages presque par coeur- un extrait de son lire "Eroica" qui transpose le peintre Jean-Michel Basquiat, en personnage de roman. Un seul regret, cette voix enchanteuse devait être accompagnée par la musique de David Gonzalez Cambray, bassiste et contrebassiste de jazz qui n'était pas là et qui fut remplacé par un autre musicien qui a un peu gâché les paroles de l'écrivain avec sa musique synthétique souvent trop forte.

Ce Lyonnais, écrivain et traducteur, a fait ses études au Lycée de Charbonnières, puis Sciences Po à Lyon, a vécu en Espagne, à Berlin et vit actuellement à Paris, mais revient souvent à Lyon.

Ce jeune homme doué à la "gueule d'ange", passionné de musique et de cinéma, qui cite très souvent Jack Kérouac, est publié chez Grasset. Eroica est paru en 2015. Il a écrit également Requiem pour Lola rouge en 2010 (Prix de la vocation) et La vie qu'on voulait en 2013.

Sa prouesse lexicale m'a fait voyager dans la vie brève et tourmentée de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) qui côtoyait Keith Haring, Andy Wharol et Madonna.

image du Net -tableau peint en 1982

La voix de Pierre Ducrozet est claire, tantôt forte ou douce, l'articulation parfaite, la mise en scène étudiée. Pierre Ducrozet devient acteur, avec quelques accessoires. Il sait mettre des silences pour laisser toute la place à la musique. Il joue avec ses mains aux doigts longs et fins qui s'animent pour exprimer la force et la folie de ce peintre qui l'a séduit.

Pierre Ducrozet a voulu prolonger la légende du peintre, mais aussi la déconstruire. Il s'est laissé envahir par les toiles colorées, tourmentées de cet Américain, -symbole des années 80, berceau du racisme et de la démesure- fils d'un Haïtien et d'une Portoricaine. Pierre Ducrozet précise qu'il a voulu capter son énergie, et pourtant il n'a pas l'air d'en manquer, mêlant un grain de sable dans le réel qui mène à l'action.

En permanence en mouvement sur la scène, Pierre Ducrozet récite et mime. Il est touchant. Comme l'est à ses yeux ce peintre paumé, camé qui voulait vivre vite et fort, qui l'habite et le fascine. 

Dans Eroica, les mots se succèdent, en rafale, des mots, des noms. C'est fort et dur. Une fureur de mots de l'écrivain pour sublimer la fureur de vivre de l'artiste peintre, dans l'instant de tous les instants. Tous ces mots pour montrer du doigt tous les arts qui circulent à l'intérieur de son art.

Pierre Ducrozet n'a rien à envier à l'art de peindre de son héros mort quand il n'avait que huit ans. Il possède l'art de l'écriture.

Pourtant, je n'ai pas envie de lire Eroica, la vie de J-M Basquiat ne m'intéresse pas vraiment. Mais je suis curieuse de découvrir l'un de ses deux autres romans.

photos So'N

Comments

[Asphodèle]

Ha Bron ! Tu m'avais ramené un joli souvenir, en te décarcassant !!! Je ne connais pas du tout ce beau jeune homme, comme se fait-ce ??? :lol: Cela dit, je veux bien croire qu'il ait de multiples talents d'homme-orchestre mais là ça ne me tente pas du tout, je sature avec les années 80 qui reviennent à toutes les sauces, comme si ça avait été le summum de la création artistique (en tous domaines) ! :roll: C'est trèèès à la mode en littérature et je me méfie des modes ! Mais je suis contente que tu aies passé un bon moment ! Gros bisous tardifs♥

[Passiflore2]

Maintenant que tu as vraiment découvert l'auteur tu liras ses oeuvres avec un autre regard...enfin, je veux dire ...avec un regard intérieur! Ton message m'interpelle! Je ne connais pas cet auteur! Merci pour ce partage!

Bonne semaine

Bizzz

[Antiblues]

Je me demande pourquoi finalement l'auteur ne vit pas la même vie speedée que le peintre qu'il admire ou que Kerouac.

Peut-on parler vraiment des gens qui brûlent la chandelle par les deux bouts ?

Ça m'interpelle. J'aurais aimé être là !!!

[EEGUAB]

Très convaincante ma So. Je connais un peu Basquiat par le cinéma. Les artistes paumés camés voulant vivre et fort sont souvent exaucés. Faut-il s'en réjouir? Je t'embrasse ma Lyonnaise. :d