Jeudi en poésie

En solitaire, mais surtout en communion de pensées avec Asphodèle, j'ai décidé de "poétiser" tout au long de ces jeudis d'été.

Par une belle journée d'avril, dans le cadre des visites commentées de l'Association 2AUTA, j'ai visité le petit village de Brangues et son château, propriété de la Famille CLAUDEL.

Inspiré par Rimbaud, Paul Claudel a écrit plusieurs poèmes.

La Pluie

Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres qui sont à ma gauche, et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma plume à l’encrier, et jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème. Ce n’est point de la bruine qui tombe, ce n’est point une pluie languissante et douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru, d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier, dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare ! Il n’est pas à craindre que la pluie cesse ; cela est copieux, cela est satisfaisant. Altéré, mes frères, à qui cette très merveilleuse rasade ne suffirait pas. La terre a disparu, la maison baigne, les arbres submergés ruissellent, le fleuve lui-même qui termine mon horizon comme une mer paraît noyé. Le temps ne me dure pas, et, tendant l’ouïe, non pas au déclenchement d’aucune heure, je médite le ton innombrable et neutre du psaume. Cependant la pluie vers la fin du jour s’interrompt, et tandis que la nue accumulée prépare un plus sombre assaut, telle qu’Iris du sommet du ciel fondait tout droit au cœur des batailles, une noire araignée s’arrête, la tête en bas et suspendue par le derrière au milieu de la fenêtre que j’ai ouverte sur les feuillages et le Nord couleur de brou. Il ne fait plus clair, voici qu’il faut allumer. Je fais aux tempêtes la libation de cette goutte d’encre.

Paul Claudel

Tout à fait d'actualité, après les journées de canicule vécues à Lyon, étrangement j'ai envie de pluie ! Et puis, ça me forcera à préparer un billet sur ce château privé.

grenouille au Parc de la Tête d'Or

Comments

[mamylor]

que c'est beau quand la plume court facile sur le papier,..... j'aime beaucoup et que ta grenouille (crachote par chez moi) est belle !!!!

même si j'ai eu très très très chaud...... je ne peux me résoudre à demander de la pluie .... je sais je ne suis pas compatissante et je n'ai pas envie de l'être, une fois n'est pas coutume, la pluie amène le froid et chez moi quand elle s'installe, elle n'a plus envie de faire ses valises et le gris l'emporte sur tout....

bisous beau dimanche

[Asphodèle]

Moi je suis toute z'émue que tu poétises "en communion de pensée" avec moi, alors bien que n'aimant pas Claudel non plus mais surtout pour la façon dont il a traité sa soeur Camille, ça m'est égal, l'extrait que tu as choisi est savoureux, on s'y croirait et moi j'aime la pluie, tu ne pouvais pas mieux tomber ! La photo de la grenouille est magnifique ! Merci ma So'N, je t'inscris au cahier de poésie, na ! :lol: Gros bisous♥

[Sharon]

Je ne suis pas très fan de Claudel non plus, ou alors à dose homéopathique.

Ce texte est très bien, je n'en reprendrai pas avant quelques temps.

[celestine T]

Claudel...pas vraiment ma tasse de thé, mais l'extrait est choisi très judicieusement, par la maîtresse de céans ! L'ambiance est parfaite, d'une douce après midi pluvieuse...C'est beau comme une playlist sur spotify... ;-)

Bises étoilées

¸¸.•*¨*• ☆

[monesille]

Un régal de lecture, je connais bien ces ambiances (les épisodes cévenols ce n'est pas rien !) et j'admire l'écriture de Paul Claudel qui rend parfaitement jusqu'à l'humidité de l'air, merci pour ça !

Bises