"Ah ! par Héra, le bel endroit pour y faire halte !... Et encore, s'il te plaît, le bon air qu'on a ici n'est-il pas enviable et prodigieusement plaisant ? Claire mélodie d'été, qui fait écho au choeur des cigales..." Phèdre - le jardin du philosophe - Platon
Je vous invite pour une balade au Clos de la Cornière clic accompagnée d'une poésie de circonstance et quelques évocations littéraires parce que ce jardin le vaut bien !
"Les éblouissements"
Je méditais ; soudain le jardin se révèle
Et frappe d'un seul jet mon ardente prunelle.
Je le regarde avec un plaisir éclaté ;
Rire, fraîcheur, candeur, idylle de l'été !
Tout m'émeut, tout me plaît, une extase me noie,
J'avance et je m'arrête ; il me semble que la joie
Etait sur cet arbuste et saute dans mon coeur !
Je suis pleine d'élan, d'amour, de bonne odeur,
Et l'azur à mon corps mêle si bien sa trame,
Qu'il semble brusquement, à mon regard surpris,
Que ce n'est pas ce pré, mais mon oeil qui fleurit
Et que, si je voulais, sous ma paupière close
Je pourrais voir encore le soleil et la rose.
Anna de Noailles clic
Ce jardin privé sent bon la campagne et la liberté. Françoise et Bernard, les propriétaires, accueillent le groupe de Roses Anciennes avec beaucoup de gentillesse : le café brûlant et le cake au citron moëlleux et encore tiède sont servis dans leur salon d'été, à l'ombre des arbres.
Jimi, le chat de la maison, est là aussi et ne nous quitte plus. Il se prête aimablement à tous nos désirs et s'adonne à quelques facéties !
Depuis 2006, les maîtres des lieux -devenus jardiniers par passion et par obligation- transforment sans cesse ce grand terrain en jardin extraordinaire. Leur jardin est tout le contraire du jardin abandonné de la rue Plumet dans Les Misérables : "Rien dans ce jardin ne contrarie l'effort sacré des choses vers la vie", mais il est aussi un refuge idéal bien qu'ayant été apprivoisé.
La visite dure longtemps, les hôtes sont disponibles et attentifs à nos questions. Les dames de Roses Anciennes, en vraies connaisseuses, prennent des notes, se renseignent, et parlent souvent un langage que je ne connais pas. Françoise connaît par coeur les noms de ses plantes et rosiers. Tout est répertorié, étiqueté, ordonné sans hasard a priori mais tout en grâce, et pousse "au naturel". L'illusion est forte pour des yeux étrangers qui laisse croire à une sorte de débordement de la faune et de la flore !
Les îlots se succèdent avec de nombreux coins et recoins cachés par des haies vertes ou fleuries, les petits chemins se croisent, la progression est lente tellement il y a de choses à découvrir. Comme des dizaines de jardins de curé rassemblés ! A chaque pas, une anecdote, un souvenir nous sont racontés ou plutôt contés.
Impossible alors de ne pas se remémorer le passage du roman de Proust "Du côté de chez Swann" que Oncle Dan aurait aimé citer : "Plus loin les fleurs étaient plus pâles, moins lisses, plus grenues, plus plissées et disposées par le hasard en enroulements si gracieux qu'on croyait voir flotter à la dérive, comme après l'effeuillement mélancolique d'une fête galante, des roses mousseuses en guirlandes dénouées..."
Sans oublier les nymphéas observés par de drôles de bestioles
Le jardin extraordinaire de Trénet me trotte dans la tête, je fredonne tous bas, même si les canards ne parlent pas anglais, les statues se tiennent tranquilles et les oiseaux tiennent buffet... Ou bien alors, je m'imagine dans un jardin persan des Mille et une Nuits... Je n'écoute pas... Je vis en rêve.
Dans le potager, le jeune Jimi s'amuse avec un oisillon qu'il prend pour un mulot et se fait sermonner par Bernard qui sauve l'oiseau apeuré (tellement surprise, je n'ai pas eu le réflexe de prendre une photo).
Au fond du jardin, un nouveau décor, exactement comme celui de Platon : "Mais le raffinement le plus exquis, c'est ce gazon, avec la douceur naturelle de sa pente qui permet, en s'y étendant, d'avoir la tête parfaitement à l'aise" Phèdre.
Même image, un pré, des arbres et des fauteuils bleus invitent à prendre nos aises. "Rêver, c'est le bonheur" Victor Hugo.
Qui a dit "l'attendre, c'est la vie" ?...
Au jardin du Clos de la Cornière, c'est le paradis sur terre, le bonheur immédiat, la sérénité retrouvée.