Des mots, une histoire
avec Olivia
Le moment était tout indiqué pour vous évoquer de l’événement mondial, je veux parler de l’arrivée du Beaujolais nouveau, intervenu dans la nuit de mercredi à jeudi. Il faut se rendre à l’évidence, le sujet était trop simple. Vous aurez eu, de toute façon, tout le loisir d’en voir des images à la télé. Et puis, je l’avoue, je crains d’entendre une effusion de réflexions des anti-Beaujo qui se seraient empressés de rire à gorge déployée !
Ma pensée s’évade donc hors de l’actualité. Une fois n’est pas coutume, je vais survoler en quelques réflexions -car comment visiter plus de quarante années passées ensemble- la vie d’un couple mythique dans ce billet dédié à un Bloguinet amoureux des couples célèbres qui se reconnaîtra sans même le désigner !
Ella Lourevna Kagan, «Elsa la rose» (nom du court métrage d'Agnès Varga où Elsa & Louis sont les acteurs et Michel Piccoli le récitant), naît à Moscou en 1896 et meurt en 1970 au Moulin de Villeneuve, dans les bras de son mari, foudroyée par une crise cardiaque. «Le rossignol se tait à l’aube» publié en janvier 70 sera son dernier roman. Prémonition ou simple hasard ?
Après un premier mariage qui ne dure à peine trois ans (mais elle gardera le patronyme d'André Triolet), Elsa rejoint sa mère à Londres, retrouve sa sœur Lili Brik à Berlin, et rencontre Maxime Gorki qui l’invite à écrire.
Son histoire d’Amour avec Louis, poète, romancier et journaliste, est un beau roman que l'on connaît ou non. Ils se rencontrent à Paris en 1928 et commencent leur vie commune le soir même. Les deux écrivains ne se quitteront plus, inséparables jusque dans la tombe, où douze ans plus tard Aragon la rejoint. Ils reposent dans le parc qui entoure leur dernière demeure, comme l’avait souhaité Elsa dans le «Cheval roux», ce moulin à eau offert par Louis à sa Belle russe. Ce lieu d’écriture et d’émotion qui se visite, est resté figé à la date de ce 16 juin 1970. http://www.maison-triolet-aragon.com On découvre, à côté, un espace librairie.
«Le Moulin de Villeneuve était la maison d’Elsa parce qu’Aragon en avait ainsi décidé, qui voulait qu’à l’étrangère, qu’à la déracinée appartînt en propre, comme il le disait, «un petit coin de France». Il l’avait bien choisi cet arpent d’Ile-de-France, au cœur du domaine royal constitutif de l’identité nationale, tout près de Dourdan où Blanche de Castille et Saint-Louis possédaient un château, tout près de Chartres qui veille toujours comme un phare sur la houle des blés»
Sur leur tombe, on peut y lire l'épitaphe suivante : «Quand côte à côte nous serons enfin des gisants, l'alliance de nos livres nous unira pour le meilleur et pour le pire, dans cet avenir qui était notre rêve et notre souci majeur à toi et à moi. La mort aidant, on aurait peut-être essayé, et réussi à nous séparer plus sûrement que la guerre de notre vivant, les morts sont sans défense. Alors nos livres croisés viendront, noir sur blanc la main dans la main s'opposer à ce qu'on nous arrache l'un à l'autre. ELSA»
Mariés juste avant que la seconde guerre mondiale éclate, ils entrent dans la Résistance (à Lyon et dans la Drôme) et doivent se cacher pour éviter la prison ou la mort, Elsa étant juive. Par sa quête perpétuelle d'un bonheur insaisissable, -j'évite volontairement les vieilles querelles sur leur engagement politique- ses écrits et son caractère bien trempé, cette femme courageuse s'est fait un nom, en gardant sa liberté, dans une oeuvre croisée avec celle d'Aragon, sans jamais cesser d'être sa muse et sa moitié à part entière.
L'actualité reprend vite le dessus. Ce mercredi, le PCF a inauguré le mois d'hommage à Aragon pour le 30e anniversaire de sa mort. Une expo, jusqu'à fin novembre, "56 rue de Varenne" reconstitue les murs de l'appartement parisien du poète, vaste fresque de documents divers punaisés en rouge, comme un collage.
Au cours d'une de mes balades urbaines, j'avais découvert ce parc où ils aimaient se promener et se poser, loin des bruits de la ville, espace paisible et plutôt désert au fin fond du 3e arrondissement.
une des entrées du parc Chambovet
"Une femme c'est une porte qui s'ouvre sur l'inconnu"
Louis Aragon - Le roman inachevé
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