Les plumes de l'été 20 d'Asphodèle
Les Nuits de Fourvière
Danse Flamenco
"UTOPIA"
Une création de Maria Pagés
Grand Théâtre de Fourvière
24 & 25 juillet 2012
Il est loin le temps (au début des années 60) où je frôlais, sans oser les toucher, les robes volantées et colorées des danseuses, au fond d’une bodega à Séville. Sur la terre battue, de petits tonneaux supportaient les touristes bruyants. Les tables en bois, tailladées d’inscriptions, offraient un refuge sûr aux verres remplis de sangria. Dans la cave voûtée et enfumée, guitares, castagnettes et tambourins couvraient presque les chants. Les talons des danseurs et des musiciens trituraient en cadence le parquet de la scène étroite, et résonnaient dans ma tête comme les tambours du bronx. J’adorais ce folklore populaire.
A chaque voyage, je voulais rapporter une de ces poupées fragiles, petite danseuse brune inanimée, campée sur un socle rond et maintenue par une tige qui remontait le long de son dos, comme un totem, pour faire tenir sa robe à frou-frou. J'en avais toute une collection.
image du Net
Maria Pagés est née à Séville en 1963. Elle est devenue danseuse de Flamenco et a créé sa compagnie. Son approche unique et personnalisée, son interprétation contemporaine, ont revisité cet art.
Présenté aux Nuits de Fourvière pour la première française, le début du spectacle me laisse sans voix. Dans ce théâtre romain où l’été s’invite enfin, il m’est d’abord impossible d’effectuer un quelconque transfert des images de mon enfance sur cette troupe de danseurs, chanteurs et musiciens vêtus tout en gris ciment et dépossédés des accessoires gravés dans ma mémoire. Témoin des traditions d’un passé abandonné, l’exaspération commence à me titiller sérieusement quand Maria danse, seule, en pantalon noir et pull marron.
A ce moment seulement, je la reconnaîs.
"Utopia" -dans le sens délibérément choisi par Maria Pagés de «bon endroit»- a pris forme, petit à petit, après sa rencontre avec l’architecte brésilien centenaire, Oscar Niemeyer. Inspirées du travail et de la pensée de ce vieil homme talentueux, les 8 séquences de danse, accompagnées par des textes de grands poètes, sont interprétées autour des ombres et des lumières.
Maria Pagés danse et s’amuse. Ses longs bras virevoltent en harmonie avec ses pas. Les corps des artistes se courbent et ondulent, sans turbulence, comme des vagues ou des nuages, accompagnés par des chemins lumineux qui serpentent au sol et dans les airs, dans un décor épuré.
L’émotion arrive quand Maria apparaît dans une robe rouge tomate, qu’elle habite à la perfection comme une tortue dans sa carapace. Les pieds nus, elle glisse, s’anime, s’enroule dans ce voile immense, tour à tour le libère et le fait prisonnier, se libère et s'emprisonne.
Puis dans une robe couleur thé blanc à volants bordés de noir, elle claque ses talons et maîtrise sa longue traîne-chenille. Elégante, elle tourne, tourne, tourne à m'en faire presque tourner la tête !
Mes souvenirs revivent enfin. Il était temps…
Et pour terminer la magie de cette heure andalouse, à nouveau dans leurs robes grises et sages qui me sont devenues familières, les danseuses remuent avec agilité leurs éventails, en demi-lune ou accolés en boule deux à deux, laissant se détacher au centre de l’espace, l'accessoire rouge que Maria tient dans sa main.
avec Asphodèle
18 mots : temps - taillader - thé - triturer - titiller - tortue - talentueux - toucher - transfigurer - témoin - totem - table - turbulence - transfert - terre - tomate - tonneau - terminer