Une photo, quelques mots avec Leiloona
Les semaines passent à une allure de TGV
Leiloona nous invite à écrire une histoire sur une nouvelle photo
de Romaric Cazaux
Il s'appelle Sylvain. Il est fou de piano. Il en joue pour le plaisir et anime des soirées privées et des piano-bars, mais sa passion ne lui permet pas d'en vivre.
Là s'arrête la réalité.
Ce qui suit est une petite musique qui a trotté dans mon imagination.
Sylvain participe à la Fête de la musique, chaque 21 juin. Souvent, le ciel boude et la pluie commence à tomber en fin de journée. Il est trop tard pour renoncer. Un seul souci, son piano n'aime pas l'eau.
Il se souvient encore du 21 juin 2010. Il devait jouer dans le Vieux Lyon, devant le Café-Epicerie de la Cour des Loges. Un vrai challenge qui aurait pu lui permettre de quitter son emploi de chauffeur. Bien sûr, il n'était pas routier et le véhicule avec lequel il conduisait des élus à longueur de temps était confortable, mais ses horaires et les réductions budgétaires étaient incompatibles.
Il était à peine installé quand les premières gouttes ont commencé à faire des claquettes sur les touches de son piano. La bâche du restaurant a vite été déroulée pour le protéger. Mais l'humidité qui allait s'installer au cours de la soirée se montrerait une ennemie redoutable pour le bois délicat des touches.
Il connaissait par coeur ce répertoire qu'il offrait à ceux qui venaient l'écouter. Les partitions resteraient à l'abri. D'ailleurs, ce temps allait très vite décourager les Lyonnais plutôt casaniers.
Il n'avait pas remarqué la petite fille, adossée à un arbre sur la petite place, qui regardait ses doigts danser sur son clavier. La nuit était tombée, il ne s'en n'était pas aperçu non plus, et les pavés luisaient en projetant les lumières de la ville. Piquée là, toute seule, la fillette restait immobile et silencieuse. Puis elle osa s'approcher plus près, tout près, et d'une toute petite voix lui demanda s'il pouvait jouer "l'eau vive" que lui avait appris sa Grand-mère juste avant de tomber très malade.
Sylvain connaissait la chanson de Béart. Il l'a jouait avec sa Maman quand il était petit. Il installa la petite fille à ses côtés. Aux premières note, l'enfant se mit à chanter. Les passants s'étaient arrêtés et les entouraient. Tous applaudirent. Alors, la gamine, sans un mot, poussa doucement Sylvain et s'empara du clavier.
En septembre suivant, Sylvain signa un contrat avec l'Hôtel sélect de La Cour des Loges pour les apéritifs-concerts du week-end.