Des mots, une histoire 46
Vous n'avez pas voulu écrire la suite de mon histoire 45... Alors, je vous propose une suite & fin avec les 23 mots laissés, cette semaine, chez Olivia. Une suite "collection Soène" ! lol !
Il faut trouver : patine - salariat - remorque - regard - poix - exécution - rompre - panais - plaisir - savoir - paix - couperet - jardin - feuille - macramé - horticulture - sens - repassage - chausson - soupir - automne - ensevelir - opiniâtre
Les 3 petits kilomètres qui séparent Alix de Charnay étaient trop vite parcourus à son gré, même en respectant la vitesse. Ce moment de paix intérieure, il le savait, était son jardin secret où il aimait semer ses idées et ses réflexions pour ordonner sa vie. Son caractère opiniâtre l’avait très vite poussé à rompre avec le salariat. Etre un travailleur subordonné, avoir des comptes à rendre à un patron, aurait été comme un couperet menaçant sa liberté sans laquelle il était incapable de mettre ses projets à exécution. Et sans projets, sa vie n’avait aucun sens.
Ce passé était enseveli dans un tiroir de sa mémoire qu’il rouvrait parfois pour se persuader d’avoir fait le bon choix. Cet automne, en effet, lui avait apporté, outre son lot de feuilles mortes qu’il détestait ramasser, une remorque de feuilles d’impôts un peu difficile à traîner… Ce repassage dans sa mémoire de tous ces chiffres additionnés n’allait quand même pas lui gâcher sa journée, se dit-il, en laissant échapper un énorme soupir, comme pour mieux les faire s’envoler, pour un temps.
Juste avant d’arriver à Chantemerle, il s’arrêta à l’Auberge La Broc’Assiette, au cœur du village de Charnay, pour voir le menu du jour. Avec gourmandise, il dévora des yeux la suggestion du Chef :
Il n'aimait pas trop le goût du panais -il trouvait que ça avait le même goût que les carottes-, mais le boudin relèverait ce parmentier. Avec un verre (ou deux:)) de Beaujolais nouveau du Domaine du Moulin Blanc -son ami viticulteur était installé sur la commune de Charnay- ce sera parfait, pensa-t-il. Oubliées les notes à payer... Son regard brillait à nouveau, en composant le numéro de téléphone de Julie. Comme un gamin impatient, il avait hâte de lui dire que ce soir elle serait dispensée de la corvée du dîner. Il l’invitait à déguster la cuvée 2011 de ce Beaujolais tant décrié qu’il adorait.
Julie l’attendait, lovée dans son vieux fauteuil club marqué par la patine du temps et les griffes du chat. Elle avait anticipé l'invitation de Jérémi car elle avait mis sa nouvelle robe en tricot marine avec un petit col blanc. Elle était occupée à assembler un petit bracelet en macramé avec des perles en bois, tout en écoutant le dernier CD de Barbelivien. Elle en avait toute une collection de ces bracelets colorés qu’elle distribuait aux petites filles, à la fin de leur stage de poney. Parfois, quand le temps était à la pluie, elle leur proposait même un atelier créatif sous l'appenti que Jérémi avait couvert avec de la poix, et pour ne pas méconter les parents, elle leur redonnait une leçon gratuite.
Sur la table du salon, à moitié recouvert par les petites boîtes de perles, Jérémi remarqua le livre «Horticulture & Paysage» qu’il lui avait offert pour la dernière Sainte-Catherine. Depuis quelques années déjà, Julie plantait un arbre dans la propriété, le jour du 25 novembre, car «à la Sainte-Catherine, tout bois prend racine» lui avait-elle affirmé avec le plus grand sérieux.
Il aimait ces rituels qui revenaient, ces repèreres de temps qu’ils fêtaient désormais ensemble. Il aimait sa vie simple, mais remplie de tant de petits bonheurs depuis sa rencontre avec la fille de son ami ornithologue. Mais, au fait, il avait oublié dans sa voiture, le fer à cheval qu'il lui avait gravé avec deux J inversés, et qui allait trouver sa place, au-dessus de la porte d'entrée.